Le regard concentré, le geste sûr, il tire l’aiguille dans le tambour qui tend le tissu sélectionné pour sa broderie du moment. Au 5 de la rue du 14 juillet, on passe le porche du bâtiment « La Quincaillerie » pour se retrouver dans une cour sur laquelle s’ouvre le lieu « mercerie, loisirs créatifs », modestement appelé « L’Atelier du 5 ». Jean-Christophe Lagarde, brodeur, est installé là depuis octobre 2016. On découvre un ensemble d’articles très spécifiques de broderie, tricot, toiles à broder, canevas, fils de couleurs… qui donne envie de s’asseoir pour prendre son temps.
Dans cette boutique-atelier, on achète ce que l’on va faire chez soi ou alors on vient faire, sous l’œil du brodeur qui initie aux techniques de broderie pratiquées jadis. Les cours ont lieu le matin, autour de la table ronde, par séquence de 2h. Éventuellement, on peut envisager la pose de perles et de paillettes à l’aide du crochet de Lunéville. Mais ceci est une autre histoire.
« Broder c’est apprendre sur soi », dit Jean-Christophe. Il raconte avec douceur le cheminement qu’il a suivi pour obtenir le CAP de « broderie d’art à la main » préparé au lycée Octave Feuillet de Paris, « en cours du soir », précise-t-il.
En effet, il a bifurqué à partir de la quarantaine du chemin professionnel qui était le sien, laissant émerger son attirance grandissante pour les tissus et les fils. « Ce sont les toiles de lin, de chanvre, de métis ( lin/coton) qui me sont familières. J’aime leur toucher, leur souplesse, leur couleur et même le son qu’elles produisent », ajoute-t-il un peu surpris lui-même par cette confidence pleine d’émotion. « Dans ma famille de Dordogne, il y avait des tisserands au XIXe siècle. »
Laissons là le fil du temps que Jean-Christophe déroule et observons le langage de couleur qu’il déploie entre lui et le monde, à l’aide d’une aiguille et du fil. Les variations produites par les différents points de broderie sont multiples, apportant des reflets à la texture de matière qui vient embellir la toile : point lancé, point d’épine, d’arête, de feston, de nœud…
Cette échappée chatoyante produite dans la lenteur d’un geste précis rejoint celle que le peintre s’emploie à réaliser. Jean-Christophe ajoute : « il y a un point appelé le passé-empiétant ou peinture à l’aiguille que l’on utilise parfois pour remplir une surface. Par exemple les ailes de l’oiseau. »
Voilà donc énoncé le trait-d’union peinture-broderie. Et pour aller plus loin encore, on regarde une broderie en 3D, avec la technique du « stumpwork », broderie qui se détache partiellement du tissu, tel un papillon retenu par les pattes.
Nous sommes bien dans le domaine sensible où l’âme et la main sont en accord, un point c’est tout.
Des objets brodés à vendre à la boutique ? Pas vraiment car il s’agit plutôt de s’engager à faire, selon son propre désir.
Des commandes spéciales à réaliser ? Oui, par exemple des bijoux en perles pour une marque de maillots de bain.
D’autres projets à l’étude ? C’est encore confidentiel.