Le temps d’un week-end de décembre, quand la nature devient plus sauvage, plus âpre, je sillonne le Cap-Sizun pour découvrir une partie du patrimoine religieux : trois chapelles et une église, leur fontaine, leur calvaire. Une balade sur les communes de Goulien, Cléden et Plogoff. Entre architecture et nature, une réalité dans et hors le temps.
1er jour
Vers Goulien, 4 éoliennes s’imposent dans le paysage. Pourtant, elles ne nuisent pas à son harmonie : leur hauteur et leur alignement y ajoutent même quelque chose. Leur proportion n’écrase pas mais agrandit l’espace, le déploie, le révèle ; posées là comme des sculptures géantes.
Plus bas, sur une route qui mène de Goulien à Cléden, blottie au creux d’un vallon, se trouve la chapelle Saint-Laurent de Lannourec (14-16ème siècle).
Saint-Laurent, martyr, y est représenté à l’intérieur, mais il n’est pas le patron principal de l’édifice ; la statue vénérée, mise à l’honneur à gauche du maître-autel, est celle de la Vierge Marie. C’est pourquoi la chapelle est également connue sous le nom de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle…
Situé sur un tertre, l’édifice est majestueux, nimbé de brume et de mystère… Une stèle de l’époque de la Tène (environ 450 av. J.C) se trouve en contrebas. Sur une face, il y a deux entailles horizontales (au moyen-âge, les seigneurs y faisaient lier ceux qui n’avaient pas acquitté leurs redevances, pour les fouetter).
Trait particulier : le clocher est posé à califourchon sur le toit.
Là, un chien monte la garde ! (un autre veille aussi à l’autre bout de la chapelle).
La base du calvaire date du début du 16ème siècle. La croix fut détruite sous la Révolution et restaurée au début du 20ème siècle.
Plus bas, dans le placître, une fontaine, dédiée à Notre-Dame de-Bonne-Nouvelle…
Je poursuis ma promenade dans le Cap et m’arrête à Cléden. En plein bourg, l’église Saint-Clet, entourée d’un enclos qui n’est autre que l’ancien cimetière.
La statue du Saint Patron orne la façade Ouest de l’église.
Le portail sud de style gothique flamboyant est du 16ème siècle. Le clocher date de la même époque et est inspiré de celui de Pont-Croix.
Ces bas reliefs représentant des navires se retrouvent sur nombre d’églises et chapelles de Cornouaille. Les édifices étaient commandés et fondés par les seigneurs locaux, mais pas seulement : la présence de ces bateaux sculptés sur les murs indiquent aussi que les maîtres de barques et les pêcheurs dans le Cap étaient influents et prospères.
A l’intérieur du portail sud, les niches sont soutenues par des monstres et des personnages, dont la physionomie naïve et originale est parfois surprenante, parfois inquiétante.
Des anges parsèment l’église. On dirait que leur regard se pose sur nous.
Jour 2 : direction l’extrême Ouest du Cap, la pointe du Van.
C’est une région de lande et d’ajoncs, de bruyères et de fougères orange. Au bord des falaises, face au Raz de Sein, sorte de Cap Horn de l’Europe, se tient la chapelle Saint-They, classée monument historique.
De loin, elle apparaît comme un point qui flotte entre deux lignes.
La légende veut que la cloche de la chapelle sonne d’elle-même pour avertir les bateaux en danger de se mettre sous la protection du saint.
Cette statue, ce sont les prières des femmes, filles et mères de marins pour que l’océan consente à ce qu’ils reviennent sains et saufs sur la côte.
D’ici, Saint-They semble inaltérable face aux éléments, puis fragile face au temps qui érode.
Deux fontaines sont rattachées à la chapelle. L’une, sacrée (Saint-Mathieu), se situe plus haut dans les terres. Celle-ci, Saint-They, avait la réputation de calmer les douleurs rhumatismales. Les fontaines en Bretagne continuent de lier un passé ancestral fait de rites et de croyances et notre époque, si peu perméable à tout cela. Des druides païens y prononçaient des incantations afin de doter l’eau de pouvoirs divers. On imagine les chrétiens construire autour de ces sources un écrin de pierre. Par leur fleurissement ou l’éclat de quelques pièces dans l’eau, on constate que les fontaines gardent aujourd’hui encore tout leur attrait.
Passant par Trogor, je me dirige vers la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Voyage (18ème siècle)…
La chapelle est visible de terre comme de mer, au sommet de sa colline. Le seigneur Jean de Treanna la fît bâtir en remerciement d’un grand péril de noyade auquel il échappa. Sa sobriété extérieure contraste avec la richesse de l’intérieur : statues anciennes, ex-voto, retables finement ouvragés sous une voûte bleue en bois.
Derrière, au détour d’un sentier, s’ouvre alors la baie d’Audierne… Ar-Mor d’où les marins en partance n’oubliaient jamais de saluer Notre-Dame-de-Bon-Voyage…
17h30, l’ombre du soir pousse toujours plus loin vers l’ouest les rayons obliques du soleil.