Comme le monde a ses 7 merveilles, la religion ses 7 péchés capitaux, la Bretagne regorge de merveilles architecturales et a ses 7 calvaires monumentaux. Et l’un d’eux est à la Pointe du Finistère, en Cornouaille, les pieds dans le sable, le clocher dans les nuages avec vue sur la mer : c’est Notre Dame de Tronoën à Saint-Jean de Trolimon.
Des chapelles, des églises, des croix, des calvaires…
Alors oui, vous me direz les chapelles en Bretagne, il y en a à foison ! Des croix et des calvaires fleurissent à tous les carrefours ! D’un côté c’est vrai, Xavier Grall écrivait d’ailleurs « Je ne conçois pas de paysage sans ces édifices qui jalonnent, depuis des siècles, nos chemins et nos routes… Et les chapelles aussi, on dirait parfois, par les vents fous et les nuages errants, qu’elles marchent et qu’elles pélerinent… Ce sont des paysannes qui ont parfois des besoins d’horizon et vont voir la mer. »
Mais d’un autre, non, des calvaires comme celui-là, il n’y en a qu’un ! C’est le plus vieux de Basse Bretagne, il date de 1450. C’est aussi l’un des 7 calvaires monumentaux de Bretagne et c’est le seul en Cornouaille. Alors impossible de le manquer, ce serait un péché.
Quand on suit la route qui serpente le bocage bigouden, on se dit qu’on y arrivera jamais, des panneaux, des panneaux, des panneaux mais pas de chapelle. Puis au détour d’un talus elle apparait, son fier clocher dépassant des arbres avec la mer et le phare d’Eckmühl en toile de fond… la voilà. L’intérieur de la chapelle n’est pas exceptionnel, les vitraux sont simples et modernes, le mobilier a quasiment disparu. Sauf la bannière, représentant le saint patron de la paroisse, St Jean, sur une face et la crucifixion au verso, signée par 2 grands noms de la création bretonne : les ateliers Le Minor et Toulhoat. Les bannières sont fièrement sorties et portées le jour du pardon mais souvent remisées le reste de l’année, alors là il faut en profiter.
Mais la vraie curiosité, c’est le calvaire à l’extérieur. Véritable « Evangile des pauvres », cette bande dessinée de granit avait pour vocation l’éducation religieuse des paroissiens. En 27 (à vérifier) scènes et 100 personnages, la vie du Christ y est retracée de l’Annonciation à la Résurrection… à lire comme le Coran, de droite à gauche, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le temps a fait son œuvre aussi et certaines scènes sont très abîmées. Heureusement un panneau explicatif nous aide à identifier les épisodes de la vie de Jésus, renseigne sur les scènes remarquables… et nous évite de passer pour un inculte devant les enfants ! Et oui, le catéchisme, c’est loin. Les maisons autour de l’édifice sont typiques avec leur toile d’ardoise ou de chaume.
Le sable pour écrin, les vents pour amants.
L’autre belle surprise, c’est l’environnement. De la chapelle à la plage, le terrain descend en pente douce et pas – ou peu – d’arbres mais une végétation très rase adaptée au sol sableux… un paysage lunaire. Quelques rares maisons, basses, se protègent du vent cachées par les dunes et seul leur toit dépasse. L’espace d’un instant on se croirait au milieu d’un tableau de Lucien Simon « la récolte des pommes de terre » en 1907. Le terrain est une réserve naturelle appartenant au Conservatoire du Littoral qu’il est possible de parcourir en prenant garde à suivre les sentiers. Et au bout de la route (dégradée, on est averti en l’empruntant), la Mecque des surfeurs : la grande plage de la Torche ; les vagues et le vent y sont toujours au rendez-vous. Pour un bol d’air, vous serez servi. Gare à votre mise en plis !
Et une sentinelle de pierre pour veiller sur les marins
Autre lieu incontournable à proximité, le phare d’Eckmühl. L’un des rares phares qui se visitent en Bretagne et sans avoir à prendre le bateau. Le panorama d’en haut (60 mètres) est à vous couper le souffle, pas seulement parce qu’on est essoufflé par l’effort car il se mérite un peu : 220 marches. Mais de l’ile de Groix à l’ile de Sein, c’est unique. N’oubliez pas votre appareil photo en bas, vos mollets vous le feront payer !
Enfin le meilleur moment de l’année pour admirer ce petit coin de Cornouaille, c’est le week-end où le calvaire est illuminé. Et oui, si la bande dessinée est monochrome aujourd’hui, les calvaires étaient polychromes autrefois. Et le temps de quelques soirées, le calvaire retrouve ses fastes d’antan et reprend vie sous nos yeux. Le calvaire redevient alors ce merveilleux « livre ouvert pour ceux qui ne savent pas lire ». Renseignez-vous à l’Office de Tourisme car les dates varient d’une année à l’autre.