Julien de Sauvage, luthier et Marie Chastagnol, archetière ont ouvert l’atelier Saint-Marc à Quimper en 2014, près du théâtre de Cornouaille et de la médiathèque des Ursulines.
Pour Julien, spécialisé « luthier du quatuor » à cordes frottées (violon, alto et violoncelle), la gamme de minuscules rabots est curieuse tout comme l’outil : « la pointe-aux-âmes ». Il permet d’insérer par le « f » (l’ouïe) de l’instrument, un petit cylindre en épicéa appelé « âme », à l’intérieur de la caisse de résonance entre la table d’harmonie (le dessus du violon pour le néophyte) et le fond.
Dans ce métier de passion, Marie est spécialisée dans la fabrication d’archets haut de gamme mais elle effectue également le réglage et la remise en état. Fait d’une baguette, taillée dans du pernambouc, bois du Brésil, d’une hausse en ébène et d’une mèche de crin venant exclusivement de la queue du cheval, il lui faut trouver la bonne cambrure. Elle installe la mèche qui sonne bien : le crin blanc plus fin a une sonorité lisse alors que le gris et le noir accroche mieux les cordes de plus gros calibre (contrebasse).
Julien, enveloppé d’un grand tablier de daim fauve, reçoit les clients l’après-midi dans l’intimité et la beauté de l’atelier. Les consultations à mots feutrés se font autour de l’instrument, soulevé, regardé et évalué avec une précision de gestes tendres et d’un vocabulaire spécifique. Les maux à corriger par les mains expertes sont multiples, allant du réglage, à la nécessité d’une intervention plus conséquente. Le luthier écoute, estime, propose, conscient des exigences qui lui sont demandées. C’est de la relation de confiance qui s’installe que viendra la réponse technique pertinente optimisant les qualités sonores de l’instrument.
Autant dire que le luthier est un virtuose où se concentrent un regard exercé et une habileté manuelle doublée d’une connaissance des matériaux mais également d’une oreille musicale, le tout soutenu par une culture technique et historique. Pour avoir un aperçu de ce large savoir, il suffit de caresser le bois pour que le luthier évoque l’érable sycomore ondé (dont les traits miroitent), l’épicéa, l’ébène mais aussi les 4 cordes filées en métal (plus de boyau de mouton sauf pour les instruments baroques) à fixer adroitement.
Un beau violon de luthier coûte entre 5.000 et 20.000 € et l’on ne s’étonnera pas de ce montant quand on connaît toutes les étapes de la fabrication et le soin à y apporter. Pourtant un violon « entier » ou 4/4, pèse moins de 500g au final ! Faut-il ajouter que la taille du violon dépend de la stature de celui qui en joue ? Dès 3 ans, l’enfant aura entre les mains un 1/32e puis en grandissant un 1/16e, 1/8e, 1/4 …avec un archet de taille équivalente.
Parfois des compliments viennent ensoleiller l’atelier Saint-Marc. Par exemple, Petr Forman (fils du cinéaste Milos Forman), maître du chapiteau-cabaret l’Obludarium, installé une semaine sur l’esplanade du Théâtre de Cornouaille, est venu remercier Julien et Marie qui ont finement réglé son violon gaucher (oui, cela existe !), lui donnant ce supplément d’âme qui fait vibrer ceux qui l’écoute.
Le métier de luthier est un des plus beaux qui existe, il allie énormément de compétences et demande un savoir-faire et une patience hors normes !